Un monument voulu par la municipalité et les
Gentilléens, pour les Gentilléens
Au
lendemain de la guerre la France, comme d'autres nations, traverse une
période économique difficile. La reconstruction pèse lourd, et les
petites municipalités auront grandement besoin de la subvention
octroyée par l'Etat suivant la loi du 25 octobre 1919 au titre de la Commémoration et la glorification des
"morts pour la France" de la Grande Guerre.
En dépit de cette conjoncture, Gentilly insatisfaite des modèles présentés par les catalogues de monuments proposés par des entreprises spécialisées décide de lancer un appel à projet afin de réaliser un monument qui lui ressemble davantage. La subvention de l'Etat ne suffisant pas, une souscription publique est lancée par le "Comité pour l'oeuvre du monument commémoratif à élever à la mémoire des soldats de Gentilly, morts pour la France". En dépit de la générosité de la population gentilléenne, la somme reste insuffisante et ce n'est qu'avec le profit de fêtes organisées par le Comité qu'elle pourra être réunie.
Gentilléen, ce monument l'est également dans la mesure où l'appel à projet donna lieu à l'exposition dans une salle de la mairie des dessins et maquettes soumis au Comité. Ainsi les gentilléens purent voir les projets avant que la décision finale ne soit prise. C'est finalement le projet d'un architecte des Beaux-Arts et d'un sculpteur au talent reconnu, Roger Vasseur et Adolphe Rivet, tous deux gentilléens, qui emportera les suffrages du Comité.
Ce discours laisse une grande place à la fierté patriotique, et Mr Gratien invite plus d'une fois à la "mémoire de nos héros" tombés "au Champ d'Honneur", par un monument "qui perpétuera ici, l'immolation de nos Morts tombés en sauvant le Droit et la Liberté". Mais l'élan pacifiste et la haine de la guerre traverse de part en part ce discours de Mr Gratien : "Ce monument que le voile va découvrir [...] attestera aux générations l'horreur de la guerre en dressant à nos yeux les deuils innombrables qu'elle engendre". "Le Monument est un symbole de notre réprobation de la guerre ; il n'entend pas en faire revivre les horreurs, il ne veut que perpétuer la haine qu'elle nous inspire à tous. Ainsi il explique en détail l'imagerie du monument, en insistant sur le fait qu'"on y chercherait en vain une allégorie guerrière ; pas de trophées, d'obus, de grenade, pas même une épée ! Aucun attribut belliqueux [...] que la mélancolique vision de nos deuils". Il rappelle l'importance des pertes humaines de Gentilly : "600 de nos enfants, fauchés au printemps de la vie, sève de notre race généreuse".
"Nous pleurons nos chers morts à jamais, mais puisqu'ils se sont immolés pour que cette guerre soit la dernière, ils ont dans leur sublime envol dicté à ceux qu'ils ont sauvés et qui leur survivent le devoir sacré d'union et de concorde.
Et si grâce à leur holocauste cet idéal fraternel et républicain règne un jour comme il doit règner, ils ne seront pas morts en vain !"